J’ai pris quelques jours de retard dans l’envoi de cette newsletter, et pour me faire pardonner, aujourd’hui, je vous parle (très) longuement d’amour !
Merci aux 74 nouvelles personnes qui ont rejoint la newsletter depuis le dernière édition. J’espère que vous vous plairez ici !
Bonne lecture à toustes, et à dans deux semaines !
👁️ Les actus de la semaine
Mise à jour inclusive pour les Sims 4
Pour la nouvelle mise à jour des Sims 4, disponible depuis le 31 janvier, EA Games a annoncé plusieurs nouveautés, rendant le jeu encore un peu plus inclusif.
Ainsi, la catégorie « accessoires médicaux » a fait son apparition : il est désormais possible d’équiper ses Sims d’un ou de plusieurs appareils auditifs, ou encore d’un patch capteur de glucose, utilisé par les personnes diabétiques. Un effort de représentation largement salué, notamment par les internautes concerné·es par ces handicaps invisibles.
(traduction du tweet : une nouvelle mise à jour des Sims 4 a vu le jour aujourd’hui ! Cette mise à jour comprend des “Accessoires médicaux'“ avec des appareils auditifs ou des patchs à insuline qu’on peut faire porter à notre Sim !)
Et ce n’est pas tout ! Après une première mise à jour au printemps dernier qui permettait aux joueurs et joueuses de choisir le genre et les pronoms de leurs Sims, le jeu fait un pas de plus vers la représentation des personnes transgenres. Parmi les nouveautés disponibles : des binders (brassière ou bandage utilisé pour aplatir la poitrine), des sous-vêtements de tucking (technique pour cacher le pénis et les testicules), ou encore des cicatrices de torsoplastie (opération pour donner au torse un aspect masculin).
Avec 20 ans d’existence et 80 millions de joueur·euses à travers le monde, c’est une mise à jour qui fait du bien - sauf pour Les Gens de Droite™ qui crient à la propagande LGBT sur Twitter, mais on commence à avoir l’habitude.
Sexisme en France : le rapport que vous n’avez pas pu louper
Comme chaque année, le Haut Conseil à l’Egalité a publié son rapport sur le sexisme en France. Et franchement, ça donne envie de chialer.
Je vais vous épargner un laïus sur la frustration ressentie à la lecture de ces pages, sur le sentiment d’impuissance en tant que personne/organisation féministe (petit indice, c’est de l’ordre de “tout ça pour ça ?!?”), et en même temps le soulagement que toutes ces personnes et organisations existent parce que DAMN, quels seraient les chiffres si elles n’étaient pas là pour faire ce monstrueux boulot d’éducation !?
A la place, je vais me contenter de vous partager 5 infos :
Le constat général de ce rapport (et c’est littéralement les premières lignes du document), c’est que le sexisme ne recule pas, au contraire : « certaines de ses manifestations les plus violentes s’aggravent, et les jeunes générations sont les plus touchées ». Le ton est donné.
93% des personnes interrogées (tous genres confondus, donc) considèrent qu’il existe des différences de traitement entre les femmes et les hommes dans au moins une des sphères de la société. So basically, tout le monde est d’accord pour dire qu’il y a un problème.
La sphère professionnelle est particulièrement concernée : seulement 20% des personnes interrogées considèrent qu’il y existe une égalité “en pratique” entre les femmes et les hommes , et 37% des femmes affirment avoir déjà vécu des discriminations sexistes dans leurs choix d’orientation professionnelle.
Côté violences, un alarmant 37% de femmes déclarent avoir vécu des situations de rapport sexuel non-consenti : suite à l’insistance de leur partenaire, sous l’emprise de l’alcool ou de drogue, ou encore des rapports pendant lesquels leur partenaire a retiré son préservatif sans leur accord. Personnellement, je pense que ce chiffre est largement sous-estimé.
Enfin, 9 femmes sur 10 (!!!) affirme « anticiper les actes et les propos sexistes des hommes et adoptent des conduites d’évitement pour ne pas les subir ». Cela peut se traduire par le fait de renoncer à sortir, à faire certaines activités seules ou à s’habiller comme elles le souhaitent, mais aussi à de l’auto-censure par crainte de la réaction des hommes.
Pour plus de statistiques déprimantes, n’hésitez pas à consulter le rapport.
🧠 L’analyse de la semaine
En raison de la longueur de cette newsletter, pas d’analyse cette semaine !
En revanche, puisqu’on est sur cette thématique, je vous invite à (re)découvrir ma vidéo sur les bonnes pratiques pour célébrer une St Valentin inclusive quand on est une marque !
❤️ Le billet d’humeur
Cette semaine, Saint-Valentin oblige, j’ai envie de vous parler d’amour. Et plus précisément, de mes réflexions autour de la conception très normée qu’on a de l’amour.
Il y a quelques années, j’ai commencé à m’intéresser au polyamour, et de manière plus globale aux pratiques de non-monogamie. Et quand je dis « m’intéresser », c’est un doux euphémisme : pendant près de deux ans, j’ai écouté tous les podcasts, lu tous les blogs et me suis abonnée à tous les comptes instagram que je trouvais sur le sujet.
Même si 1/ je n’ai (encore) pas eu l’occasion de mettre en pratique toute cette théorie accumulée, et 2/ je pense sincèrement que le polyamour n’est pas fait pour tout le monde, il y a plusieurs schémas de réflexion propres à ce ‘mouvement’ que je trouve particulièrement intéressants.
Avant de rentrer dans le vif du sujet, petit point définition.
La non-monogamie désigne toutes les pratiques et formes de relations qui sortent de la norme établie qu’est la monogamie. Cela peut prendre différentes formes : le libertinage, l’échangisme, le couple ouvert, les relations à plusieurs (trouples et +) ou encore le polyamour.
Le polyamour est donc une ‘sous-catégorie’ de la non-monogamie. C’est une configuration dans laquelle les individus entretiennent plusieurs relations intimes et/ou romantiques en même temps. C’est différent d’un couple libre par exemple, où les relations hors-couple sont exclusivement sexuelles.
Maintenant que c’est posé, laissez-moi vous parler de 4 pratiques/notions/ enseignements (je ne sais pas comment les nommer !) issues du polyamour qui, je pense, peuvent apporter un éclairage intéressant sur toutes les relations, qu’elles soient hétéros, homos, monogames ou non.
La théorie de l’escalator relationnel
L’un des premiers trucs qui a fait boum dans mon cerveau quand commencé à questionner mon rapport au couple et à la monogamie, c’est la théorie de l’escalator relationnel. Peut-être que comme moi, vous avez découvert cette notion dans le premier épisode du Coeur sur la Table.
Cette notion a été modélisée par l’autrice américaine Amy Gahran en 2017 dans son livre Stepping off the relationship escalator. Cet escalator représente toutes les étapes par lesquelles nous sommes censé·es passer en tant que couple, parce que c’est ce que la société attend de nous : sortir ensemble, coucher ensemble, officialiser la relation, s’installer ensemble, se marier, acheter une maison, faire des enfants, et vieillir ensemble.
Ce sont des règles tacites, une suite logique, « ce que tout le monde fait », et donc le prisme par lequel on évalue la légitimité et le succès d’une relation amoureuse.
Or, je ne sais pas vous, mais je trouve qu’appliquer un schéma unique à 8 milliards d’individus, c’est un peu simpliste. Aussi, la « pensée non-monogame » nous invite à considérer qu’une relation peut être légitime même si elle sort de ce parcours en pilote automatique, et que les individus impliqué·es n’en sont pas moins épanoui·es.
On peut par exemple choisir de ne jamais emménager ensemble, ou de ne jamais avoir d’enfants, ou encore d’entretenir une relation occasionnelle sur laquelle on ne souhaite pas coller d’étiquette : ce ne sont pas des conditions nécessaires pour vivre des relations intenses, respectueuses et pleines d’amour.
Et si l’on décide qu’il n’est pas nécessaire de suivre les étapes de l’escalator relationnel pour qu’une relation soit légitime, alors toute relation devient valable dès lors qu’on décide qu’elle l’est. Le nombre d’étapes franchies, ou de cases cochées, n’est plus un critère pour décider si une relation a plus de valeur qu’une autre.
Par conséquent, je suis autant légitime à m’éclater dans des relations courtes, que mes ami·es le sont à construire une famille avec leur amour de lycée. Nos valeurs individuelles au sein de la société ne sont pas conditionnées par notre manière de relationner.
La part belle donnée aux amitiés
Ce point, c’est un mix d’apprentissages féministes, queer et polyamoureux. Il se résume en une toute petite phrase : y’a pas que l’amour dans la vie.
Dans nos cultures, on a tendance à placer l’amour romantique au centre de nos vies. Et ça n’est pas vraiment de notre faute, parce que c’est ce que nous apprend la culture populaire : les livres, films et séries nous présentent depuis toujours l’amour romantique comme une quête, un but ultime et l’unique porte d’accès au bonheur. On passe notre vie (et j’exagère à peine) à chercher notre âme soeur, notre moitié, the one.
D’ailleurs, une fois qu’on entre dans une relation de couple (monogame), on y consacre quasiment l’exclusivité de son temps et de son énergie. C’est avec notre partenaire qu’on part en vacances, qu’on va voir le dernier film tendance au ciné, qu’on discute de notre journée de boulot, qu’on a des interactions physiques,.. Bref, on priorise sa relation de couple par rapport à nos autres relations, et en particulier nos amitiés.
La pensée non-monogame, mais aussi et surtout la philosophie queer, invite à redonner de l’importance à nos amitiés dans nos vies, à abolir cette hiérarchie entre amour et amitié, et à consacrer davantage d’énergie à construire et à entretenir ces relations platoniques (ou pas, cf. point suivant).
Je ne pense pas avoir besoin de vous convaincre de l’intérêt d’avoir des ami·es dans sa vie, mais si on adopte une approche très pragmatique, ça permet deux choses :
alléger la responsabilité qui pèse sur les épaules de notre partenaire romantique, aussi bien en termes de charge émotionnelle, que de temps, de disponibilité ou d’énergie, en disposant d’un support system (cercle de soutien) plus fourni et sur lequel on peut aussi compter.
dans l’hypothèse d’une rupture (et oui, on est pas chez les bisounours), ne pas se retrouver complètement seul·e
Et bien sûr, au quotidien, multiplier les sources de petits bonheurs ❤️
Sortir de la binarité amour/amitié
La plus récente prise de conscience que j’ai eue, c’est celle de l’existence d’une binarité avec d’un côté l’amour, et de l’autre l’amitié. Sur ce sujet, j’ai pris une gifle en écoutant cet épisode d’Un podcast à soi.
De la même manière qu’on a longtemps considéré le genre de manière binaire (on est soit homme, soit femme, et si l’on est pas l’un, on est forcément l’autre), on calque de manière plus ou moins consciente cette vision binaire sur nos relations.
En gros, si on relationne, soit on a des sentiments amoureux et donc on devient un couple (avec tout ce que cela implique, et notamment l’exclusivité sexuelle et l’exclusivité émotionnelle), soit on a des sentiments amicaux et on est ami·es. C’est soit l’un, soit l’autre. Ce qui n’est pas de l’amour est forcément de l’amitié, et inversement.
Or, comme pour le genre, il faut plutôt voir les relations comme un spectre : il existe un tas d’alternatives et de nuances de sentiments entre l’amour et l’amitié, et même au sein de ces deux catégories. Et par conséquent, un tas de relations que l’on peut construire en concordance avec la nature de nos sentiments.
On peut aimer une personne de toutes ses forces et entretenir une relation purement platonique avec elle. On peut avoir des relations sexuelles hebdomadaires avec une personne pendant 10 ans sans jamais ressentir le besoin de s’établir en tant que couple. On peut aimer quelqu’un, avoir des projets ensemble, et continuer de désirer sexuellement d’autres personnes.
Je crois que c’est ça que j’aime le plus dans la pensée non-monogame : la possibilité de créer des relations sur-mesure, sans script établi, simplement parce qu’elles répondent à nos envies et/ou nos besoins mutuels à l’instant T, et qu’elles nous rendent heureux·ses.
C’est difficile d’imaginer à quoi peut ressembler une relation qui sort de cette binarité, tout simplement parce qu’on a pas de représentations culturelles auxquelles se référer, et que les personnes qui les vivent n’ont pas particulièrement d’espaces dédiés où en parler (ou en tout cas, pas d’espaces accessibles au grand public).
Vous voyez dans quel cercle vicieux on s’est mis·es ?
Un continuum dans les relations
La dernière notion dont je voulais vous parler découle directement du point précédent, et je trouve que c’est la plus belle : souvent, dans les configurations non-monogames, on ne parle pas de rupture, mais de transformation de la relation.
Je m’explique. Dans un contexte monogame traditionnel, il peut être compliqué d’envisager de garder des liens avec d’ancien·nes partenaires, et encore plus compliqué de concevoir qu’on peut continuer à aimer quelqu’un, a fortiori si on entretient désormais une nouvelle relation amoureuse (cf l’exclusivité des sentiments amoureux sur mon petit schéma).
Mais que se passe-t-il lorsqu’on s’autorise à aimer des personnes sous d’autres formes que le couple ou la relation amicale ? Lorsqu’on laisse un amour autrefois romantique s’incarner sous une autre forme que celle dans laquelle il l’a été jusque là ? Lorsqu’on donne à nos anciens amours l’occasion de s’exprimer, dans le respect de nos nouveaux amours ?
A moins d’être dans un cas de violences, je trouve profondément triste de devoir couper les ponts avec une personne qu’on a aimée, simplement parce que la configuration de couple ne nous convient pas : « si on n’est pas un couple, alors on n’est rien ».
Il y aurait pourtant une multitude de relations dans lesquelles deux personnes qui s’aiment pourraient s’épanouir, ce qui éviterait qu’elles aient à se séparer dans les cris et les larmes, et à s’éviter pour le reste de leur vie.
Même si cette notion s’applique particulièrement au contexte non-monogame, dans lequel il est admis d’entretenir des relations et des sentiments avec d’autres personnes, je suis persuadée que c’est quelque chose qui peut aussi s’appliquer au contexte monogame.
Bien sûr, cela requiert, dans les deux cas, de solides capacités à communiquer et une excellente connaissance de soi.
Quoiqu’il en soit, monogame ou non, en questionnement sur le couple ou pas du tout, j’espère que ces explications vous auront apporté un nouvel éclairage sur vos relations et, qui sait, peut-être qu’elles déclencheront des discussions enrichissantes en ce 14 février.
J’espère que cette édition vous a plu.
Sachez que j’ai longtemps hésité à vous envoyer ce contenu, plus personnel qu’à l’accoutumée, et peut-être moins connecté à mes sujets habituels - mais toujours pensé dans l’objectif de vous faire élargir vos horizons. N’hésitez pas à y réagir en commentant ce post ou en me répondant par email.
Et n’oubliez pas, votre premier amour, c’est vous-même. ❤️
Léa